Dans Le rat des villes et le rat des champs, Jean de la Fontaine distinguait déjà au 17ème siècle un décalage entre vie rurale et vie urbaine. L’agitation de la ville vient, en effet dans cette fable, perturber le repas des deux rongeurs ce qui indispose le rat des champs habitué à une certaine quiétude quotidienne. Ce distinguo rural / urbain se retrouve dans la thèse que développe Philipp McCann (2003) : le village global se serait plus développé à la faveur des villes et donc au détriment les villages. Or, sept ans plus tard, cet écart semblerait bien s’amenuiser.
Côté vie privée, en ville ou à la campagne, il n’existe pas une journée sans l’utilisation d’une de ces technologies d’information : payer ce qu’on achète avec une carte de débit, se déplacer en utilisant un GPS dans un transport privé ou utiliser une carte à puce pour accéder aux transports en commun, téléphoner, envoyer un mail, écouter la radio, regarder la télévision…
Quant à notre vie publique et/ou professionnelle, elle est intimement liée à ces mêmes technologies : effectuer des recherches sur la toile, utiliser les outils bureautiques ou une machine qui transmet ses données à un ordinateur, téléphoner avec ou sans fil, twitter… Il est difficile, voire impossible de ne pas utiliser ces modes de communications de plus en plus automatisés et donc de plus en plus invisibles pour notre conscient. Même les métiers les plus manuels, ceux de l’agriculture ainsi que ceux de l’éducation en milieu rural se servent de ces outils parce qu’ils sont aussi rapides qu’en milieu urbain. Les acteurs sociaux et économiques de la vie rurale sont désormais plus en phase avec la sphère politique de laquelle ils dépendent, la même qui gouverne et gère les cités.
D’une manière générale donc, l’entreprise ou l’organisation, publique ou privée, qui souhaite progresser financièrement ou socialement s’adaptera forcément aux moyens de communication les plus contemporains et même émergents. Ainsi, elle obligera forcément ceux qui travaillent pour elle à utiliser un ensemble d’outils minutieusement sélectionnés.
Par ailleurs, cette bulle technologique évolue et fait évoluer nos pratiques professionnelles : on simplifie, on réduit le nombre de gestes, on en génère de nouveaux et on va jusqu’à privilégier la qualité intrinsèque de chacun d’entre eux. On tend, en somme, vers une meilleure efficacité / productivité. Or, pour rester au service de l’homo sapiens, le travail confié à ces machines de plus en plus perfectionnées ne peut pas se faire sans communication : d’abord entre elles-mêmes puis entre elles et l’Homme.
De ce fait, les moyens de communication, d’autant plus depuis l’avènement de l’internet ces vingt dernières années, n’ont jamais été aussi pléthoriques. Cette (sur)abondance de médias/messages est arrivée à un point tel qu’ils constituent aujourd’hui des enjeux politiques internationaux déterminants. L’actualité nous le confirme chaque jour : les objectifs de Wikileaks, la censure du net dans les pays totalitaires, les ambitions mondialistes de l’archivage selon Google ou encore celles, plus énigmatiques, de Mark Zuckerberg (créateur et co-dirigeant de Facebook) à la tête d’une des plus gigantesques bases de données de la vie privée, voire très privée, des Terriens.
Voilà un paradoxe qui demande à chacun de penser sa place dans le « village global » qui forge et donc détermine nos sociétés au même titre que l’économie, la politique, l’écologie… Et comme tout domaine d’influence, il comporte ses dangers, son paroxysme malfaisant, comme tente de le dénoncer The Big Brother State (2007), petit clip fabriqué par David Scharf, artiste graphiste et réalisateur de films d’animation.
« Le cœur de la surveillance contemporaine consiste dans la récolte et l’analyse des données (dont la vidéosurveillance fournit une part importante mais relative – puisque les images saisies produisent désormais des codes numériques). Le plus grand volume des données provient des navigations Internet, des communications, des achats par cartes de crédits, des informations produites par nos déplacements, nos actes médicaux, nos fiches d’impositions. Aussi via toute une série d’actes d’exhibition de soi, effectués sur les blogs, ou les sites dits de « réseaux sociaux », qui représentent de nouvelles sources appelées à informer la cartographie globalisée et individualisée des êtres de la planète, et ce grâce à des informations délibérément exposées aux yeux de tous et généralement librement accessibles. »
Bibliographie