Où va l’homo technologicus

« Big data, intelligence artificielle, nanotechnologies, biologie de synthèse, robotique, tous ces noms semblent capables d’étayer les scénarios les plus contradictoires : ici, on les accole à d’effrayantes prophéties, là, à de séduisantes promesses. On les associe tantôt à l’idée de salut (avec, en ligne de mire, un « homme nouveau » débarrassé des soucis liés à la matérialité du corps), tantôt on les assoie à l’idée de catastrophe, d’abomination, de liquidation de ce que nous, les humains, serions en vérité, au fin fond de nous-mêmes.

Dans le premier cas, on clame que les technologies qui s’annoncent donneront à l’idée de progrès l’occasion d’une rédemption radicale, mais sans doute pas pour tout le monde.

Dans le second, on avance qu’avec elles, c’en sera bientôt fini de « l’affaire homme », et que, déjà, la puissance des bouleversements en cours est si forte qu’il n’y a plus aucune place pour le jeu politique ou l’agir démocratique.

Ces deux camps opposés, celui du salut et celui de la catastrophe, s’accordent toutefois pour penser que les nouvelles technologies seront capables de transgresser nos limites corporelles et biologique, donc de collaborer à l’estompement de la distinction entre nature et artifice. En d’autres termes, elles vont nous « cyborgiser » à petit feu et à l’insu de notre plein gré.

Finalement, que l’on soit techno-prophète ou techno-sceptique, la prémisse du discours est la même : les nouvelles technologies nous conduisent en mode toboggan vers un monde qui n’aura plus grand-chose à voir avec celui dans lequel nous vivons.

À quoi ce monde ressemblera-t-il ? Pourrons-nous procréer à n’importe quel âge ? Pratiquerons-nous l’ectogénèse, c’est-à-dire l’incubation du fœtus hors du corps de la mère ? Éradiquerons-nous toutes les maladies ? Vivrons-nous si longtemps que nous finirons par nous ennuyer à mourir, mais sans pouvoir mourir, même pas à la fin ?

Mais au fond, désirons-nous tout cela ? Accepterons-nous de sortir sans crier gare de la condition humaine ? Combien parmi nous pensent que vouloir vivre humain, vouloir vivre en humain, c’est d’abord accepter notre finitude, nous réconcilier avec nos limites, et même les revendiquer, qu’elles concernent la naissance, la souffrance et la mort ? Qu’être pleinement humain, c’est aussi refuser ce qui nous robotise, à commencer par l’abus des machines auxquelles nous devrions nous soumettre ? » [Reproduction du texte de présentation de l’émission La conversation scientifique]

Avec Jean-Michel Besnier, philosophe, et Jacques Testart, biologiste.

Le (bon) feuilleton de l’été

Daniel Thibault : « En 140 caractères, j’ai un format qui m’oblige à être bref, concis et pertinent pour être écouté, et ça me plaît. » (Photo : Jacques Nadeau – Le Devoir)

Feuilleton de l’été : Le Devoir à la bonne idée de publier à un rythme hebdomadaire les portraits d’usagers de Twitter plutôt influents.

Le premier, sur le scénariste Daniel Thibault, pose des bases tout à fait intéressantes : un argument de plus qui vient alimenter l’émergence des sphères publiques !

À suivre… vu que c’est un feuilleton.

Lorsque nos « amis » jauniront comme du papier…

Lorsque j’avais dix ans justement, je collectionnais les vignettes Panini (foot, magie, animaux…), quelques billes et diverses babioles dont j’ai perdu toute trace. Mes albums de vignettes autocollantes doivent être encore dans un vieux cartable scolaire, dans le grenier de ma mère, avec mes billes et sans doute les autres babioles dont je retrouverais la trace si j’y mettais le nez.

© James Emery, CC BY

Je pense à ces doux chérubins lorsqu’ils auront mon âge et même bien avant ; recaleront-ils au grenier voire à la poubelle de la même façon que moi leurs collections d’amis facebookien, ceux à qui ils « n’ont rien à dire » ?
Même si on sait qu’un ami sur Facebook n’est pas forcément un « ami » — vous savez, le vieux truc humain sur qui on peut compter quand ça ne va pas et particulièrement quand ça ne va vraiment pas — le média social propose en tout cas une façon inédite de gérer les relations humaines.
À quand les profils Facebook qui jaunissent comme les albums Panini dans nos greniers, faute de « liker », de « poker » ou de souhaiter un « hbd » — Happy birthday — à nos amis sur Facebook ?
Allez Mark, un petit effort…